Où acheter bio, local et sain près de chez vous? Nos bonnes adresses, canton par canton


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Hier encore, le locavorisme passait pour une marotte de bobos. Sinon d’hurluberlus et autres agités du bocal. "Ce sont d’abord des consommateurs qui se sentent responsables", tempère Christine Girod, membre fondatrice de l’association Manger Local, active dans le district de Nyon. "Quand bien même il s’agirait de gens qui ont quelques moyens financiers et peuvent se permettre de regarder un peu moins à la dépense, où est le problème tant qu’on reste dans une relation gagnant-gagnant?" Et quoiqu’on perçoive la consommation responsable comme l’apanage des familles jeunes et urbaines, "il en est aussi qui prônent simplement le moins, mais le meilleur".

"L’intérêt pour la consommation locale
vient souvent avec les enfants"

Gaëlle Bigler, présidente de la Fédération Romande d’Agriculture Contractuelle de Proximité (FRACP), ne s’aventure pas davantage à brosser le portrait-type du locavore. Les Suisses, souligne-t-elle, entretiennent encore un lien fort avec la terre et ont toujours beaucoup consommé en circuit court. En attestent les congélateurs collectifs dans les campagnes, les fours à pain réhabilités, mais surtout la pollinisation des magasins à la ferme. Et d’ajouter que "l’intérêt pour la consommation locale vient souvent avec les enfants. Savoir ce qu’on leur donne est primordial pour beaucoup de parents."

Sortir de la niche
Choisir une alimentation saine, bio, locale, éthique, la tendance n’a rien d’un épiphénomène. Elle séduit un public de plus en plus hétéroclite. Ce même si l’agriculture de proximité ne représente qu’une paille face aux mastodontes de la grande distribution. "On peut parler de niche, concède Christine Girod, les gens sont encore habitués à tout trouver sur un seul point de vente, mais la tendance est à la croissance." De fait, le secteur des circuits courts et de la vente directe à la ferme s’enracine, se structure et gagne timidement en visibilité.

"La production artisanale ne peut pas
suivre en termes de volumes"

Dans le sillage de la crise sanitaire, on entrevoit même une nette recrudescence de consommateurs désireux de se tourner vers la production locale, jugée plus rassurante. "C’est certain !", abonde la co-fondatrice de Manger Local. Malgré l’absence de données chiffrées et le manque de recul, "les producteurs qui vendent à la ferme peuvent le confirmer." Beaucoup de clients semblent pourtant s’être tourné vers les circuits courts sous le coup de la panique, relativise Gaëlle Bigler. "Ceux-là sont tout aussi vite retournés au supermarché une fois le confinement terminé, regrette-t-elle. C’est compréhensible, tant ils sont matraqués d’informations des grands distributeurs qui vantent leur engagement local." La présidente de la FRACP se réjouit davantage de la prise de conscience de la part des institutions publiques et des instituts de recherche : "les villes ont beaucoup communiqué sur les possibilités d’achat en circuit court, nous participons de plus en plus à des réflexions sur la relocalisation des circuits alimentaires et la FRACP a été sollicitée pour proposer des paniers locaux aux fonctionnaires."

Quelle que soit sa teneur, l’embellie s’accompagne d’un véritable défi logistique : "On a affaire à une production souvent artisanale qui ne peut pas forcément suivre en termes de volumes", note Christine Girod. "Vendre en circuit court est un autre métier que de produire et de vendre tout à un grossiste, renchérit Gaëlle Bigler. Le contact direct avec le client, les outils marketing et de vente, la réorganisation de la production représentent des challenges pour les producteurs." Tout porte à croire que l’augmentation de l’offre passera par celle du nombre de producteurs engagés dans l’agriculture de proximité car, souligne Christine Girod, "il n’est pas question que ce type de commercialisation entraîne une industrialisation nouvelle de la production. Le but ne serait pas atteint et la qualité vraisemblablement pas garantie."

« Les livraisons via Internet seront
La solution privilégiée
 »

Surfer sur la vague
Outre l’engouement pour les circuits courts, la crise sanitaire a vu les consommateurs se tourner en masse vers l’e-commerce. Quid du passage au numérique pour les acteurs de la consommation locale? "C’est un tournant capital, incontournable, consent Christine Girod. Il est de moins en moins de personnes possédant une voiture dans nos villes. Se déplacer à la ferme est souvent un obstacle rédhibitoire, les transports en commun sont rarement une alternative. Donc, les commandes-livraisons via Internet seront de plus en plus La solution privilégiée."

Ces plateformes, qui égrènent de plus belle sur la Toile, permettent à de petits producteurs de se regrouper sous une même bannière, un peu à l’image de ce que manger-local.ch a fait jusqu’ici. L’essor de commerces en ligne spécialisés dans la livraison de paniers de produits locaux, à l’instar de VitaVerDura, Magic Tomato, Farmy ou Ugly Fruits, s’inscrit dans la même lignée. Au risque d’ajouter un maillon à la chaîne – et de brouiller quelque peu, dans l’absolu, la notion de circuit court –, comme le met en garde Gaëlle Bigler : "Si c’est une plateforme qui invisibilise les producteurs et prend une marge énorme, alors ce n’est pas un atout pour eux." N'en reste pas moins que ces intermédiaires altruistes représentent une planche de salut pour nombre de fermes agricoles de proximité, souvent mal outillées pour assumer de front production, commercialisation, comptabilité et distribution.

Rapprocher le consommateur
et le producteur

Enraciner les habitudes
Vente directe à la ferme, paniers à domicile, mais aussi agriculture contractuelle de proximité (voir encadré) et supermarchés participatifs… La demande monte en flèche et les acteurs foisonnent, se structurent, se digitalisent. Mais qu’en sera-t-il une fois la crise dans le rétroviseur? Les Suisses retourneront-ils à leurs vieilles habitudes? Pour Christine Girod, il ne fait aucun doute que cette flambée est amenée à s’inscrire dans le temps. "D’ailleurs, constate-t-elle, après la première vague, beaucoup de producteurs qui vendent à la ferme ont prétendu avoir fidélisé une bonne moitié de leurs nouveaux clients." Un espoir partagé par Gaëlle Bigler, pour qui cet épisode pandémique doit au moins servir à démontrer combien il est dangereux de s’appuyer uniquement sur les importations, "d’autant plus au regard des crises écologiques et sociales à venir."

Reste à escompter que cette époque troublée aura durablement renforcer la prise de conscience sur les bénéfices qu’apporte la consommation locale. Car derrière l’essor des circuits courts s’empile un millefeuille d’enjeux. Un vivier de revendications, qu’elles soient militantes ou hédonistes, dans lequel chacun puise selon sa sensibilité : alimentation saine, haute valeur gustative, transition écologique, souveraineté alimentaire, valorisation du savoir-faire paysan, consommation responsable, économie solidaire, agriculture vertueuse, mais aussi contrepied à la grande distribution qui fit florès lors des Trente Glorieuses.

A cela s’ajoute une dimension sociétale non négligeable à l’heure de la distanciation sociale imposée, celle de rapprocher le consommateur et le producteur, de mettre un visage derrière chaque produit.


Les paniers ACP, kezako?

L’agriculture contractuelle de proximité, ACP de son acronyme, lie consommateurs et producteurs par un contrat, dans le but de soutenir une agriculture locale, écologique, sociale, solidaire et à taille humaine. Les ménages s’engagent à acheter une quantité déterminée d’aliments sur l’année, à un prix convenu à l’avance. Ceux-ci sont livrés sous forme de paniers dans des points-relais, à intervalles réguliers. Le contrat prend souvent la forme d’un abonnement, et inclut parfois une participation à la vie de l’association. Quelle que soit la forme que prennent ces initiatives, elles reposent toutes sur les concepts de souveraineté alimentaire et de circuits courts. Les livraisons s’opérant dans un périmètre donné, le consommateur est assuré de bénéficier de produits frais, locaux et écologiques (pas de transports polluants, ni d’emballages superflus) tout en assurant le prix juste pour le producteur.


Manger bio et local sans se ruiner, possible?

Une idée reçue à la peau dure… De l’avis de Gaëlle Bigler, la question du prix est l’arbre qui cache la forêt : 2On devrait plutôt se demander pourquoi les supermarchés peuvent proposer des prix aussi bas et pourquoi les gens ne voudraient pas payer le juste prix pour leur alimentation, alors qu’un smartphone à 800 francs paraît normal". Pour la présidente de la FRACP, il est de tout évidence possible de manger bio et local sans se saigner : "Si on cuisine, on peut acheter des produits bruts et les transformer soi-même. Regardez les prix au kilo des produits transformés, c’est souvent hallucinant !"

Il est aussi bon de se rappeler que les fruits et les légumes sont moins chers dans leur saison. Sans compter que le véritable comportement dispendieux, c’est le gaspillage : "Acheter pour jeter ensuite coûte très cher, alors que des produits locaux récoltés le jour du marché durent beaucoup plus longtemps." Aussi convient-il de comparer ce qui est comparable : un premier prix de grande surface n’a rien à voir avec un produit vendu en circuit court, tant en termes de mode de production que de fraîcheur, de qualité et de traçabilité.

Christine Girod émet toutefois un petit bémol pour le bio, dont la production "est souvent inférieure en volume, et nécessite aussi plus de travail, deux facteurs qui se répercutent sur le prix. Mais de là à parler de se ruiner, c’est excessif."


Les épiceries en vrac, ça vous emballe?

Impulsée par Béa Johnson, papesse du minimalisme, la mouvance « zéro déchet » fait florès sur les réseaux sociaux, mais pas seulement. Preuve en est la prolifération des épiceries en vrac un peu partout en Suisse romande (voir nos adresses ci-après). Le concept – emprunté aux commerces d’antan, avec l’écoresponsabilité comme nouveau fond de sauce – est simple comme bonjour : vous venez avec vos propres contenants (ou utilisez ceux, réutilisables, fournis par l’enseigne), les remplissez selon vos besoins, puis payez au poids. Double bénéfice à la clé, avec la limitation du gaspillage alimentaire et le bannissement des emballages polluants.

Par Frédéric Maye - 23 sept. 2021