Il est clown, poète, comédien, metteur en scène. Sous la bannière du Cirque du Soleil ou du Cirque Eloize, il a marqué de sa griffe des spectacles à portée universelle, dont le propre est de parler directement à l’âme humaine. Les monumentales cérémonies de clôture des JO de Turin en 2006 et de Sotchi en 2014, c’est aussi Daniele Finzi Pasca qui en fut le grand ordonnateur. C’est lui encore qui préside à la destinée de la Fête des Vignerons 2019, une édition à son image: chargée en émotion, tournée vers l’avenir. Rencontre avec un Tessinois à l’oeil rieur, dont la réputation a fait plusieurs fois le tour du monde.


Après Sotchi, Turin ou Broadway, est-ce aussi exaltant de travailler dans la paisible bourgade de Vevey?

DFP: Vous savez, étant natif de Lugano, qui est encore plus paisible, je suis dans mon élément. Quand on m’a proposé la Fête, j’ai eu le sentiment d’un retour aux sources. Avec mon équipe, nous n’avons que très rarement le privilège de travailler en Suisse.

Le créateur onirique que vous êtes s’accommode-t-il de son costume de gardien de la tradition vaudoise?

DFP: La commission voulait que la Fête soit touchante, émouvante. Elle s’est montrée sensible à l’état de quasi-rêverie qui caractérise nos spectacles, à cette aptitude à faire affleurer l’humanité qui imprègne chaque région. C’est la beauté de cette aventure: d’une part, construire un spectacle dans lequel les gens de Lavaux, de Vevey et des alentours puissent se reconnaître, retrouver les valeurs auxquelles ils sont attachés ; d’autre part, trouver une forme qui touche la nouvelle génération, de manière à lui instiller l’envie d’organiser la prochaine Fête dans 20 ans.

Les gens qui ont un vécu avec la Fête témoignent d’une ferveur indéfectible, d’un attachement fort à la tradition. Est-ce un frein au moment d’ouvrir l’événement sur le monde?

DFP: De toute évidence, ce projet est intimement lié à la tradition. Mais qu’entend-on par tradition ? Le comprendre,c’est tout l’enjeu. La particularité de cette édition, c’est que l’équipe artistique et la Confrérie ont étroitement collaboré sur l’ensemble de la réflexion. Des choix ont été faits, comme de laisser dieux et déesses de côté pour toucher au plus près l’esprit de la tradition viticole de la région, mais aussi de replacer le Couronnement des vignerons-tâcherons au coeur du spectacle.

Ou encore le choix inédit d’intégrer les Cent-Suissesses…

DFP: Les temps ont changé. Depuis la dernière édition, la Confrérie s’est progressivement ouverte aux femmes. La question de la féminité trouvait aussi un écho dans des éléments fondamentaux du spectacle, comme la Terre et la Lune. Les Cent-Suisses appartiennent à une tradition que nous souhaitions conserver, mais à laquelle nous répondons par la présence de Cent-Suissesses. Ensemble, ils forment le groupe des "Cent pour Cent", dans une société où le masculin et le féminin se mélangent plus aisément.

On évoque des technologies sophistiquées, sans parler de l’arène, quasi futuriste. Sera-ce l’édition "high tech" par excellence?

DFP: Chaque édition a su exploiter pleinement les technologies de son époque. La sophistication de la lumière a permis d’envisager des spectacles nocturnes, celle du son de jouer devant un parterre plus vaste. Ces vingt dernières années, le public s’est habitué à une qualité sonore et visuelle incroyable, que ce soit en concert, chez soi ou en faisant du jogging avec ses écouteurs. C’est devenu une partie intégrante du quotidien et nous allons naturellement en tirer parti. Cependant, il ne s’agit pas de promouvoir la technologie pour elle-même, mais de la mettre au service du spectacle.

Enfants et familles occupent une place de choix parmi les figurants. Est-ce compliqué à gérer?

DFP: Avec les enfants, c’est facile. Tous sont mus par cette envie de jouer entre eux. Le jeu, le partage, le fait d’être ensemble, c’est l’esprit même de la Fête. C’est pourquoi nous avons créé des images qui les réunissent. On compte aussi des groupes familiaux qui souhaitent participer ensemble à l’aventure, et pour lesquels on a imaginé des tableaux qui leur permettent de rester soudés, des répétitions jusque sur scène.

Un spectacle avec des enfants et… pour les enfants, en somme?

DFP: Des spectacles de cette nature, aussi explicitement imaginés pour les familles, on en compte peu dans le monde. Et on le voit, c’est la famille élargie qui prend part, des grands-parents jusqu’aux petits-enfants. En plus, participer à la Fête, cela va bien au-delà du spectacle: on s’immerge dans une ville en pleine ébullition où il se passe partout quelque chose.

En grand amateur de vin, que pensez-vous des crus vaudois?

DFP: Le vin, c’est le plaisir mais aussi la découverte. On a visité beaucoup de caveaux, et visiter signifie rencontrer des gens. Les grands crus de la région  Etrangement, ma collection privée en compte de plus en plus… Je peux même dire que depuis quelques années, il coule un peu plus de vin vaudois dans mon sang.

Faites-nous la bande-annonce de votre spectacle…

DFP: Un spectacle touchant, émouvant, qui met les vignerons-tâcherons au centre. Un hymne à cette région et à ceux qui travaillent la terre avec amour, passion et joie. De la façon dont l’arène est conçue, l’immersion sera incroyable, d’où qu’on soit placé. Il se passera toujours quelque chose à proximité du spectateur, avec un remarquable travail sur la perception sonore. Et si vous avez la chance d’assister plusieurs fois au spectacle, sachez que les représentations diurnes et nocturnes seront deux expériences totalement singulières…