Fête des Vignerons - Concours

Une matinée brumeuse de fin d’automne. On aboule, calpin en main, dans le navire amiral de la Fête des Vignerons, sis chaussée de la Guinguette, l’ancien quartier industriel de Vevey. Le temps est denrée rare, plus encore pour les protagonistes de "l’événement du siècle": pas question de pointer en retard. A peine la porte effleurée, on discerne l’effervescence qui règne au verso. Et pour cause, dans le couloir un peu trop étriqué, petites mains et grands ordonnateurs, visages jouvenceaux et trombines grisonnantes se carambolent en une saine frénésie.

"Il nous incombe d’engager un
maximum de jeunes, ceux-là même
qui vendront la Fête dans 20 ans"

Marie-Jo Valente

Par chance, un visage "familier". Daniele Finzi Pasca, concepteur et metteur en scène de la Fête, nous décoche un sourire radieux. Et, une tape amicale plus tard, nous extirpe de l’agitation. Une bouffée de chaleur humaine. En catimini, le quinqua tessinois à l’aura internationale se prêtera, bonhomme, aux questions qui nous brûlent les lèvres. Mais nous y reviendrons ci-après, car notre "feuille de route" nous commandait de rencontrer d’abord l’adjointe au directeur exécutif. Egalement cheffe de projets communication et média, Marie-Jo Valente se coiffe de plusieurs casquettes.

Rouage essentiel de cette organisation maous, elle gère le bon huilage entre une trentaine de collaborateurs – la plupart attachés à l’administration et à la gestion de projets – et, par ricochet, quelque 220 bénévoles. Autrement dit, Marie-Jo, c’est un livre ouvert sur la mécanique fine de l’événement. Entre exaltation pressée et tempérance, notre grand manitou parvient à nous consacrer, cahin-caha, une petite heure.

Mission transmission
Nous questionnons la forme, nous ébaubissons devant les chiffres démentiels de l’événement, traquons le scoop, mais Marie-Jo, inlassablement, nous ramène sur le fond. Empreint d’une passion sincère, son discours n’en demeure pas moins bien rodé, claquant parfois comme un slogan. A notre première incursion sur le terrain générationnel: "C’est le nœud de la Fête des Vignerons. A quoi servirait-il d’organiser une fête aujourdhui si ce n’était, dès le départ, dans l’idée de la transmettre plus loin? Comme un lopin de vigne qui se transmet de génération en génération, notre rôle consiste à embellir du mieux possible l’événement, puis à passer le relais. C’est pourquoi il nous incombe d’engager un maximum de jeunes, ceux-là même qui vendront la Fête dans 20 ans. C’est là, dans l’intimité des familles, que cette histoire se raconte."

Une mission dont chaque strate de l’équipe créative semble s’acquitter comme d’un sacerdoce, d’une même voix. En témoigne le schéma narratif choisi par le metteur en scène, lequel ne pouvait mieux illustrer ce devoir de passation intergénérationnelle: un grand-père qui, par un jour de vendanges à Lavaux, prend sa petite-fille par la main pour lui raconter la vie des vignerons, leurs batailles, leur solitude, leurs silences, mais aussi le sens du travail, l’amour et le respect de la terre qui les habitent. Si, édition après édition, l’histoire et les valeurs qu’elle véhicule conservent quelque chose d’immuable, chaque réinterprétation se veut le reflet de sa génération. Et Marie-Jo d’observer que "si celle-ci revient vers l’homme, les valeurs, la terre, c’est bien parce qu’elle ressent le besoin de regoûter à des choses véritables, de réfléchir à un monde qu’on a un peu maltraité. A ce titre, on constate que les jeunes générations s’enquièrent beaucoup plus de la question intergénérationnelle que leurs aînés."

Les copains d’abord
On l’a bien compris, la Fête des Vignerons écoute et bichonne la jeunesse, celle-là même qui sera garante de la tenue de la prochaine édition à l’horizon 2040. Mieux, elle œuvre main dans la main avec elle. Dans un mouvement naturel d’abord, organique presque, puisque les rôles de figurants sont attribués en priorité aux 1400 confrères et consœurs de la Confrérie des Vignerons, organisatrice depuis 1797 de cette célébration unique en son genre. "Beaucoup d’enfants qui étaient figurants en 99, sous l’impulsion de leurs parents, ont exprimé aujourdhui leur désir de la vivre en tant que jeunes adultes", souligne derechef Marie-Jo.

"La complicité entre copains,
c’est un moteur encore bien
plus efficace que les parents"

Marie-Jo Valente

Certains d’entre eux ne manqueront pas d’initier à leur tour leur progéniture à l’aventure. Mais quid des ados? Rebelles paresseux qu’ils sont, toujours prompts à hurler à la ringardise, impossible qu’ils s’intéressent à cette kermesse pour grands-parents, philosophons-nous à l’emporte-pièce. "Détrompez-vous ! nous sermonne Marie-Jo. Cette catégorie d’âge, c’est la plus simple à encadrer. En règle générale, ils font partie des sociétés de gym, des chœurs ou des écoles de cirque régionaux, autant d’institutions que nous avons sollicité au moment d’attribuer les rôles. Ils viennent en groupe et se motivent parmi. La complicité entre copains, c’est un moteur encore bien plus efficace que les parents." Nous opinons du chef.

La jeunesse veille au grain
Marie-Jo enchaîne, insistant sur le fait que le rôle dévolu à la relève ne se cantonne pas à brûler les planches: "Il nous importe également d’enrôler des jeunes dans l’organisation. Nous collaborons étroitement avec les écoles, que ce soit dans le cadre de stages de bachelor ou d’études spécifiques menées avec la filière tourisme de la HES-SO Valais, la HEC (hautes études commerciales), l’Ecole hôtelière ou encore la Haute école de santé de Lausanne." Du marketing à la prévention, en passant par les innombrables métiers liés à l’événementiel – logistique, communication, médias, production technique, partenariats ou Food & Beverage pour ne citer qu’eux –, le plateau est alléchant pour les jeunes qui désirent fourbir leurs armes.

"On ne laisse plus sa progéniture
chez les grands-parents comme en 99"
Marie-Jo Valente

Des stagiaires par-ci, des figurants par-là, la jeunesse est sur tous les fronts. Mais qu’en est-il des enfants qui ne vivent pas l’événement de l’intérieur ? La frange la plus jeune du public est-elle conviée à la fête? "Plus que jamais !", sursaute Marie-Jo, profitant de l’occasion pour égrainer quelques résultats issus d’une étude sur l’expérience visiteur commanditée auprès de l’Ecole hôtelière: "ce rapport fort instructif a mis en lumière que les jeunes parents âgés entre 27 et 32 ans réclament de façon massive un programme dédié aux enfants. L’idée est de prendre du plaisir, mais en y adjoignant une dimension didactique à partager en famille." Autrement dit, on ne vient plus seulement pour siroter un verre, mais aussi pour comprendre le travail de la vigne. De surcroît, nombre de demandes portant sur des lieux d’accueil – tables à langer, chauffe-biberons, etc. – ont été collectées. "C’est que dans cette génération-là, résume tout de go Marie-Jo, on ne laisse plus sa progéniture chez les grands-parents comme en 99, on sort avec les enfants. La demande diffère d’il y a 20 ans et on s’attèle à répondre à ces nouveaux besoins tant sur le plan pratique que festif."

Vivre la Fête en famille: un jeu d’enfant
Une prise de conscience qui se traduira par la mise en place d’animations consacrées aux familles. L’on apprend ainsi qu’un vaste espace spécialement pensé pour le jeune public affleurera au Jardin Doret, avec force spectacles vivants, clowns, conteurs, grande roue et manèges. Un passeport "FeVi2019" sera en outre remis aux bambins qui auront tout loisir de le faire tamponner aux divers postes jalonnant un parcours dans la Ville en Fête. L’objectif est clair comme du chasselas: planter une petite graine dans le cœur et la mémoire des visiteurs en culotte courte qui seront les protagonistes du millésime suivant. Et Marie-Jo de marteler une dernière fois l’un des crédos de la FeVi 2019: "Il faut que les familles se sentent parties-prenantes de la célébration." Que leur volonté soit fête !