Pully, un après-midi d’été. Sur le quai, les enfants gréent tranquillement leur bateau. Garcettes, écoute, hale-bas, livarde, tout y est. Bientôt, ce sont une dizaine de petites voiles blanches qui s’élancent sur l’eau. A bord de leur Optimist, bien sanglés dans leurs gilets de sauvetage, les pirates en herbe se régalent. Sortir du port sans aller chatouiller les cailloux de la digue est déjà un véritable challenge ! Une légère brise les emporte au large, sous le regard attentif du moniteur professionnel qui les encadre. Vus de la terre, ils font penser à une portée de poussins suivant leur mère. Mais sur l’eau, une fois les rudiments appris, les enfants apprivoisent lentement leur embarcation par le jeu.

Sourires comblés et cheveux ébouriffés

Equilibre, sens de l’orientation, géométrie dans l’espace et prise de décisions, voici quelques-uns des challenges que les jeunes mousses auront à relever pendant leurs heures passées sur l’eau. Ainsi, la consigne est donnée: il faut faire le tour de son Optimist en passant devant le mât ! Un vrai défi pour les apprentis navigateurs, qui se prennent au jeu. De loin, on assiste à un drôle de ballet. Portés par l’eau, des rires enfantins parviennent aux oreilles des parents enchantés qui attendent sur la digue. Puis le vent se lève à nouveau, chacun reprend la barre, borde sa voile et repart en direction du large. Encore quelques virements, quelques bords et c’est le retour au port. Larges sourires et cheveux ébouriffés, tout ce petit monde range son matériel et file rapporter son équipement au vestiaire. Et alors, que peut-on demander de plus pour la semaine prochaine? "Des grosses vagues !" répond Margot sans hésiter.

La limite d’âge en compétition pour l’Optimist est fixée à 15 ans mais souvent les ados arrivant à l’école de voile n’entrent plus dans ce petit bateau. La faute à des jambes sans fin ! Pas de panique, leur rêve de grand large pourra être assouvi sur d’autres supports. Le Laser, par ailleurs série olympique, est l’embarcation toute désignée pour débuter (et pourquoi pas continuer). Solide et physiquement exigeant, ce dériveur solitaire procure rapidement des sensations sympas. Et ce ne sont pas ceux qui ont expérimenté un bord de largue dans la bise qui diront le contraire.

Si le vent est trop fort pour les compétences des moussaillons, le Laser peut être gréé avec trois voiles différentes: standard (surface de voilure maximale, gréement olympique pour les hommes), radial (surface de voilure intermédiaire, gréement olympique pour les femmes) et 4.7 (surface de voilure minimale, gréement pour les juniors en compétition). Et pour les inséparables qui ont envie de se mettre à l’eau ensemble, l’Equipe, le Topaz ou le 420 sont là pour des sorties en équipages inoubliables.

Et s’il n’y a pas de vent?

L’avantage de ce sport c’est que même si il y a "pétole molle", comme on dit dans le jargon, il y a quantité de choses à faire, peu importe le niveau des enfants. Les débutants fraîchement embarqués se familiariseront avec les termes maritimes sans entrer dans le vocabulaire complexe de la régate. Au programme, apprendre à nommer les différentes parties de son bateau: bôme, étambrai, safran, livarde... mais surtout savoir et comprendre à quoi ils servent et quels sont leurs effets sur le bateau et son comportement sur l’eau.

Impossible de mettre un pied à bord sans passer par l’inévitable apprentissage des nœuds de base (plat, de huit, d’amarre et de chaise). L’apprentissage des règles élémentaires de priorité fait aussi partie du B.A.-BA. "Triboooooooooooooooord !" fera donc vite partie du vocabulaire des enfants. Enfin, un bateau ça s’entretient et les séances de bricolage/matelotage remportent toujours un franc succès auprès des petits, filles comme garçons. Et quand l’eau est bonne, c’est séance de chavirages "pour de faux", histoire de peaufiner son équilibre en se familiarisant avec l’eau. On vous avait bien dit que c’est un sport complet !

Emmanuelle Rol: La voile, c’est une école de vie !

Emmanuelle Rol, 23 ans, Pully, navigatrice olympique, membre de l’équipe de France. A fait ses armes au club de voile de Pully.

A quel âge avez-vous commencé à naviguer?
Je devais avoir six ans. Mon père nous emmenait naviguer sur son bateau. Puis nous avons commencé à prendre des cours à l’école de voile de Pully, en Optimist. L’ambiance était super, j’y avais plein d’amis. Je me suis laissé prendre au jeu et j’ai continué.

Qu’est-ce que ce sport vous a apporté, en tant qu’enfant?
C’est une vraie école de vie. Seule sur un bateau, on apprend à se prendre en charge. Il faut se débrouiller, choisir les bonnes options et ce n’est pas toujours facile. J’ai dû surmonter certaines peurs, lorsque le vent souffle fort et que les vagues se creusent, c’est très impressionnant au début. On apprend vite à connaître ses limites puis à les dépasser.

Etre toujours sur l’eau, c’est aussi un privilège…
Oui. Cela rend humble et on apprend très vite à respecter la Nature.

Une anecdote?
Une fois, lorsque j’étais encore à l’école de voile, je suis restée coincée derrière la digue du port. Le vent d’ouest s’était levé et nous a empêchés de rentrer. L’entraîneur est venu chercher tout le monde avant de s’occuper de moi. C’était la fin du monde pour moi !

Et vous avez quand même eu envie de continuer...
Cela devient comme une drogue. L’ambiance est vraiment excellente, c’est un sport sain et complet dans lequel de nombreuses composantes entrent en ligne de compte: physique, techniques et tactiques mais aussi esprit sportif, solidarité et respect !

Quelques bonnes raisons d’inscrire votre enfant

Ce sport est peu onéreux: le matériel est fourni par les écoles de voile
Ce sport est relaxant et apaisant: il demande du calme et de la sérénité
Ce sport développe l’équilibre: le positionnement dans l’espace et la concentration
Ce sport minutieux: demande la rigueur et de l’application
Ce sport fait travailler le corps: dès qu’il y a du vent, cela devient physique !
Ce sport fait travailler la tête: il faut réfléchir non-stop pour faire avancer son bateau

Par Kika Puschkova - 27 mai 2015