Joël Dicker: «La grande beauté de ce pays me stupéfie»
Entretien avec l'auteur de "La Très Catastrophique Visite du Zoo", une enquête trépidante qui veut donner envie de lire à tous
Avec "La Très Catastrophique Visite du Zoo", Joël Dicker en profite pour dynamiter joyeusement notre regard sur l'enfance, la différence et même la démocratie. Au-delà du roman, l'auteur est aussi père de deux jeunes enfants. Il nous a confié son idée d'une sortie idéale en famille.

Des papillons en famille
Etabli à Genève, Joël Dicker n'en fait pas l'alpha et l’oméga des sorties familiales. «Nous aimons la simplicité d'une découverte, d'une promenade qui permet de révéler un lac, une rivière, un pic ou un lieu particulier. La grande beauté de ce pays, son incroyable richesse, sa diversité, me stupéfient.»
Son idée d'une journée de loisirs parfaite en famille en Suisse romande ? «Le Papiliorama ! Je n'y étais plus allé depuis l’enfance et j'y suis retourné avec mes enfants. J’y ai retrouvé la magie des lieux ! D'abord les papillons, les oiseaux, les chauve-souris, c'est enthousiasmant. Ensuite, plus proches de nous mais au succès incroyable auprès des enfants, le parc aux chèvres et aux ânes.»
Je ne m'inspire pas de situations vécues
«Une autre fois, il y a longtemps, nous sommes allés au Swiss Vapeur Parc. Et là, chacun trouve du plaisir à son niveau. Moi, j'apprécie particulièrement le décor construit, les gares, les villes, le vignoble...»
Est-ce que la vie de famille l'a inspiré dans l'écriture de La Très Catastrophique Visite du Zoo ? «Non. Même s'il est difficile de dire ce qui nous inspire, je n'ai pas de souvenir de discussion, d'élément que j'ai pris de ma vie de père. Je ne m'inspire pas de situations vécues. J'aime inventer. Bien sûr, tout est en moi, influencé par ma vie, mais je ne reprends pas de scènes de la vie de tous les jours dans mes pages.»
Donner envie, c'est ça le plus important
Dès lors, à qui s’adresse ce roman ? «Mais... à tout le monde ! Ceux qui ont lu mes livres précédents renoueront avec une enquête à rebondissement, le long de pages captivantes. On n'y trouvera par contre ni sang ni meurtre et la narration est confiée à des enfants dits spéciaux.»
«C'est un moyen de m'adresser à chaque lecteur. Les parents, les 11-12 ans, les jeunes, ceux qui lisent un livre par jour ou un livre par an, ceux qui se demandent comment commencer ou recommencer à lire... Donner envie, c'est ça le plus important. Or, jusqu'ici, mes thématiques n'étaient pas forcément adaptées aux plus jeunes.»
L'enfance a toujours raison
Dans La Très Catastrophique Visite du Zoo, la narratrice donne la parole à l’enfant qu’elle fut. Et lui, Joël Dicker, comment décrirait-il son enfance ? «Pleine de découvertes, de questionnements. Ma façon de fonctionner reste fidèle à l'enfant que j'étais. On ne sort jamais de ça.»
«On passe sa vie à essayer de comprendre pourquoi on fait ce qu'on fait. Se rappeler l'enfant qu'on a été, sa façon de voir le monde, révèle pourtant beaucoup de choses sur nous-mêmes. C'est pourquoi ce livre est aussi à destination des adultes.»
Les adultes et leurs limites
Le roman se moque pourtant volontiers des grands et de leurs bons sentiments. «Les adultes vivent dans une société parfois absurde et font des choses selon des règles qu'ils ne discutent pas. Les enfants eux questionnent. Ca change tout et je crois que nous devons tenter de garder ça pour toute notre vie, savoir se remettre en question.»
«Dans le roman, les enfants posent des questions non pas pour remettre en cause l'autorité, mais parce qu'ils ont le désir de comprendre. Or, face aux questionnements des petits, nous sommes très vite confrontés à nos limites et l'adulte se rend très vite compte qu'il ne sait pas tout. Je trouve que c'est génial.»
A raison celui qui crie le plus fort
Les jeunes héros semblent également découvrir que nos libertés sont menacées par l’inaction. «Oui. Le fait que la participation aux scrutins stagne autour de 30% dans notre pays est inquiétant. Deux personnes sur trois décident de ne pas s’impliquer dans les choix démocratiques offerts, comme si ça ne les concernait pas. Ca change la physionomie de notre démocratie. Ce n’est plus le plus grand nombre qui décide et ça laisse la place à une minorité agissante, celle qui crie le plus fort.»
Sans rien divulgacher de l'intrigue, la scène de la soirée de Noël est à la fois drôle et provocante. «Oui. Je tenais à aborder l'interdiction des livres, notamment parce qu’ils contiennent des gros mots ou des concepts mal vus. Ce faisant, on oublie leur sens et leur importance dans la société.»
«Dans La Vie de Brian, le film des Monty Python, un homme est condamné pour blasphème et le juge qui rappelle les faits est lui aussi condamné. C’est un signe de l'absurdité du monde qui fait écho à ce que nous vivons en ce moment.»
Les romans au centre de la vie
D'autres influences pour le jeune Joël Dicker ? «Je suis devenu lecteur parce que j’ai lu Dickens ou Roald Dahl, mais aussi grâce à toutes les histoires qu’on m’a racontées enfant. Puis est venu Ken Follett, la passion du suspens, le plaisir de tourner les pages sans s’arrêter. C'est simple, les romans ont alors pris le pas sur toutes mes autres activités…»
Joël Dicker, La Très Catastrophique Visite du Zoo (Rosie & Wolfe, 2025)