Bien sûr, tout lecteur ou auditeur de bonne foi concèdera qu'il apprécie particulièrement une solide revue de presse. Comment dire? D'un coup d'un seul, on a le sentiment que l'éventail des points de vue sur tel sujet s'ouvre magistralement, que les opinions entrent en dialogue, voire en conflit armé, et que les plumes de ces prestigieux commentateurs du temps qui passe épuisent l'ensemble des possibilités interprétatives du réel. En un mot comme en cent: on en retire l'impression d'être correctement informé et de pouvoir par conséquent se forger un avis éclairé sur la marche du monde. Qui a parlé d'illusion d'optique?

De la revue de presse comme jeu de massacre des prétentions contemporaines
Au constat optimiste selon lequel nous vivons dans une société de l'information qui ferait de nous des bêtes de concours et de connaissance, des champions omniscients à qui rien n'échappe, pas plus le dernier furoncle de Lady Gaga que la énième greffe de cerveau tentée sur Nicolas Sarkozy, il faut bien avouer que les journalistes font souvent la démonstration d'une consternante unanimité dans leur approche de l'actualité. Lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs sont bien plutôt noyés sous un tsnumani de nouvelles monocolores que retrempés dans le bain de jouvence de faits et de discours scrupuleusement mis en perspective. Et, souvent, les opinions ne divergent que pour la galerie ou pour la satisfaction de l'actionnaire détenant tel ou tel média... C'est ici que le travail de Chris Esquerre s'impose comme œuvre de salubrité publique. Le jeune humoriste semble né des amours d'un anthropologue fan des Monty Python et d'une naturaliste chassant le canard comme d'autres le naturel - lequel revient toujours au galop, alors franchement, à quoi bon? Après quelques années de travail sérieux au sein d'une entreprise sérieuse*, ce pince-sans-rire au physique de gendre idéal fait un détour par M6 et Canal+, où sa "Revue de presse des journaux que personne ne lit" lui vaut très vite succès et réputation unanime sur la toile. Car l'exercice s'avère hilarant! Décortiquer "Sanglier Passion", "France Boulange" ou "Camping-Car Magazine" demande certes une résistance nerveuse à toute épreuve, mais le fait est que ce drôle de zig témoigne d'une endurance de lecteur proprement surhumaine, tandis que le fruit de ses rapines parmi la prose journalistique nous vaut des moments de comique irrésistible. Le public du festival d'Avignon en a d'ailleurs fait l'expérience en 2010, lors de la première transposition scénique de cette revue de presse pas comme les autres. Au tour maintenant des Romands, qui hésiteront peut-être entre la triennale de sculpture sur allumettes de Bottoflens et le spectacle de Chris Esquerre - à moins qu'ils n'avalent les deux événements avec le même appétit. Vous reprendrez bien une goutte de kitsch?

Lieu: le Manège, Onex

Horaires: mercredi 22 et jeudi 23 février, 20h30

Tarif: adulte 32 fr., AVS/AI/chômeur 28 fr., jeune jusqu'à 20 ans/étudiant ou apprenti jusqu'à 30 ans 23 fr.

Plus d'infos sur www.spectaclesonesiens.ch.

* Quid? Facile: est réputée sérieuse toute entreprise qui A. fait du blé avec du vent; B. se donne une image de boîte philanthropique soucieuse de la qualité de ses produits et du bien-être de l'humanité, tout en clamant que ses concurrentes font rien qu'à faire du blé avec du vent; C. en cas de pertes financières, chouine que l'apocalypse est pour demain si les contribuables n'épongent pas l'intégralité de ses dettes.