Lorsque l’on pense à la plongée sous-marine naissent inévitablement dans notre esprit des images de coraux et de poissons-clowns illuminant des mers turquoises. Pourtant, la plongée de loisir est une discipline très développée dans nos contrées. Et si la plupart des clubs suisses proposent à leurs clients des excursions dans des pays lointains pour achever leur formation, ils insistent farouchement sur l’intérêt et la beauté de la plongée lacustre. La première raison est technique. "Quand tu plonges ici, tu plonges partout dans le monde !", s’enthousiasme Christian Demierre, instructeur PADI basé dans le canton de Fribourg. Dans l’eau douce de nos lacs, les conditions sont en effet plus difficiles qu’en mer : flottabilité moindre, températures fraîches, visibilité réduite. Dans le lac Léman, en raison du Rhône, certains courants sont même assez dangereux.

Mystères des fonds lacustres en Suisse romande

Comme en témoignent les collections vivantes du Musée du Léman à Nyon (VD), nos eaux sont loin d’être dépourvues de vie sous-marine. Brochets, perches, ombles, silures, tanches, lottes, écrevisses… Des dangers connus ? Christian Demierre, l’œil rieur, rapporte tout de même que le silure attaque, "mais uniquement la ficelle du maillot de bain des demoiselles !". Mauro Zürcher de MZ Plongée (NE), lui, évoque l’incroyable vie au bord du lac de Bienne où il organise ses baptêmes de plongée : la ponte des poissons entre juin et septembre et le développement des alvins.

Trésors et épaves

On a tous en tête des images d’épaves sous-marines, énormes masses immobiles dans lesquelles la vie aquatique a repris ses droits… Des images fascinantes qui ne sont toutefois pas à la portée du premier venu puisque "les épaves de Suisse sont plutôt profondes et ne sont accessibles qu’à une certaine catégorie de plongeurs très expérimentés – niveau 3 du PADI", rappelle Sébastien Reichel. La plus belle et la plus connue du Léman est celle de l’Hirondelle, un des premiers bateaux à vapeur du lac, qui se trouve aujourd’hui à 42 m de fond, non loin du château de Chillon. Mais une épave peut revêtir bien des formes : petits bateaux, mais aussi voitures, cabines téléphoniques, nains de jardin et tout un tas d’objets insolites qui n’ont rien à faire là. Heureusement pour les débutants, nos lacs recèlent pas mal de ces petites épaves à faible profondeur qu’il est amusant d’aller visiter. Gilbert Paillex, chercheur d’épaves, en dénombrait plus d’une soixantaine en 2011, rien que dans le Léman.

Epaves pour débutants : le parcours de sculptures sous-marin à St-Triphon (VD)

Florian Labanti, président de La Coulée Douce à Monthey (VS) explique en riant: "A une époque, je plongeais jusqu’à quatre fois par semaine et j’en avais assez de voir toujours la même chose !". C’est comme ça que ce passionné a eu l’idée de sa première sculpture, installée en 2000 dans le Léman, à 30 m de fond : Marius le pêcheur, une silhouette découpée dans de la tôle et lestée d’un socle en béton. Au fil des années, Florian a eu envie de se rapprocher de la surface pour faire bénéficier de ses œuvres aux plongeurs de loisir, et notamment ceux de niveau 1, autorisés à descendre jusqu’à 12 m. C’est ainsi qu’en 2003 naquit sur le même modèle une sirène, placée à 6 m de fond ("Nymphéa"), première d’une longue série dans la gouille du Duzillet à St-Triphon (VD) : une famille de kangourous, le Nautilus, un vélo et enfin, star du parcours, une réplique de la Formule 1 de Schumacher en inox construite par Mario Wohlgehaben, qui perdit tragiquement la vie une semaine avant sa mise à l’eau, en 2007. Comme un hommage, Florian et ses compagnons ont achevé l’écurie F1 qui compte désormais un pilote, un mécanicien, un déboulonneur, un ravitailleur, une caisse à outils et l’emblème du cheval cabré… Toutes possèdent un socle avec leur nom, leur profondeur et leurs coordonnées géographiques. Un parcours ludique qui sert autant d’exercice d’orientation avec boussole pour les débutants que de balade insolite propice à éveiller quelques frissons.

Baptême de plongée : pourquoi pas vous ?

C’est peut-être pour la plongée que le terme de "baptême" est le plus approprié. En effet, pour la première fois, l’eau vous immerge dans une nouvelle existence où il faut apprendre à respirer et développer la confiance en soi. "Un baptême de plongée peut changer la vie de celui qui le réalise… ", selon Mauro Zurcher (NE). Si la plongée est classée parmi "les sports à risques", tous les professionnels s’accordent à le dire : c’est une activité de loisir qui s’adresse à tout un chacun, à condition d’être bien encadré et de suivre une formation sérieuse. Et les vertus de la plongée sont nombreuses, dont celle, unanimement reconnue, de déconnecter.
Le baptême de plongée peut se faire en piscine (6 m) ou en milieu naturel protégé (12 m). Outre les restrictions médicales d’usage (asthme, problèmes cardiaques ou attaques de panique), le défi réside surtout dans la respiration. "Mais apprendre à respirer s’apprend plus vite que le coup droit au tennis !", assure Florian Labanti. Le déroulement d’un baptême est simple : découverte et test du matériel sur la terre ferme, mise à l’eau pour apprendre à respirer dans le masque et faire des bulles, découverte du fond marin en palmant et petits jeux techniques. Le but ? Donner envie au baptisé de continuer la formation ! Une autre méthode ludique pour maîtriser la respiration subaquatique? L'activité de La Pieuvre chez Spirit of Diving à Morges (VD), accessible aux enfants dès 5 ans.

Quelle formation ?

PADI et CMAS sont les deux brevets les plus connus pour la plongée. Selon Florian Labanti, 80 % des plongeurs optent pour le PADI, davantage orienté "loisir" que son homologue CMAS, plus "technique", et qui propose cinq niveaux (en plus du baptême intitulé "Discover Scuba Diving", accessible dès 10 ans). Avec le niveau 1 ( "Scuba Diver", dès 15 ans), on peut plonger jusqu’à 12 m. La bonne trouvaille chez PADI ? Les formules ludiques "Bubble Maker" et "Seal Team", destinées aux plongeurs dès 8 ans, en piscine. Pour un baptême, compter entre 50 et 120 fr. selon l’école et le milieu aquatique choisi.

Testé pour vous : un baptême de plongée chez Chris Diving

18h, à l’embarcadère de Lutry (VD). Nous sommes au mois de mars et la température est étonnamment douce. Floriane, qui fêtera ses 30 ans dans quelques jours, a décidé de s’offrir un baptême de plongée en milieu naturel avec Christian Demierre, instructeur PADI de Chris Diving. "Ce spot de Lutry est idéal pour un baptême en raison de ses quatre mètres d’eau et de son fond plat", s’enthousiasme ce quadragénaire passionné. Floriane, elle, se prête au jeu de l’harnachement avec bonne grâce. C’est qu’on ne plonge pas à la légère, surtout pour un baptême dans une eau à 10°C… Une combinaison thermique, une combinaison étanche, une cagoule, des gants et enfin le fameux "stab", le gilet stabilisateur relié à la bouteille d’oxygène qui sera en plus lesté de plomb. Chris, aux petits soins, s’affaire autour de Floriane. Il lui explique comment purger son gilet afin de descendre un peu plus et lui montre le langage des signes à utiliser en cas de problème : pouce vers le haut pour remonter, un zéro avec le pouce et l’index pour signifier que tout va bien ainsi qu’un mouvement de la main latéral en cas de crampe… Après avoir utilisé le traditionnel détendeur (que l’on met dans la bouche pour respirer), Chris propose à Floriane de tester le masque facial qui couvre tout le visage. Cette technologie de pointe, plus chère à la location, permet de libérer la bouche pour respirer normalement et est munie de micros pour pouvoir communiquer sous l’eau.
Après une bonne heure de préparation, voici Chris et Floriane qui s’engouffrent dans le lac, main dans la main, depuis la petite plage de galets. Ils finissent par disparaître totalement, laissant dans leur sillage quelques bulles d’oxygène à la surface. Après une première remontée, le calme plat, troublé seulement par quelques cygnes glissant tranquillement dans les derniers rayons du soleil. Vingt minutes plus tard, les deux hommes-grenouilles sortent enfin de l’eau, sous l’œil ébahi des badauds. Epanouie, étonnée de ces sensations nouvelles, Floriane n’a "même pas eu peur" et ne grelotte pas de froid. Une fois dans le local, déshabillée, elle semble ailleurs. "Vous êtes fatiguée ?". "Non, je réfléchis à mon budget pour savoir quand je vais pouvoir commencer mon PADI...", commente-t-elle avec un grand sourire.

Quelques spots idéals pour un baptême de plongée

 

La gouille du Duzillet à St-Triphon (VD)

Cette ancienne gravière, située sur la commune d’Ollon, est un petit paradis pour les plongeurs. Avec 16 m de profondeur et une surface de 800 m par 100, elle assure un sentiment de sécurité aux néophytes. Sa particularité ? Un fond vaseux recouvert d’ "une espèce de gazon d’1 m de haut" selon Florian Labanti, qui abrite une riche faune : des tanches, des perches et perchettes, des brochets et même des écrevisses européennes (une espèce aux pinces démesurées, réintroduite à cet endroit !).
Ses eaux, qui peuvent atteindre 24°C en été, sont plus claires que dans le lac Léman et permettent une bonne visibilité (jusqu’à 4 m). La gouille descend en pente douce ce qui permet de commencer par s’entraîner à respirer sous l’eau, dans 60 cm "afin d’enlever toute appréhension". Dans ce petit biotope où Florian Labanti et bien d’autres instructeurs emmènent leurs clients (à l’instar de Christian Demierre de Chris Diving qui y organise des sorties découverte avec apéro et grillades), la consigne est de "palmer en apesanteur et toucher avec les yeux". Le plus ? Le parcours de sculptures sous-marines.

La plage d’Hermance (GE)

Pour Fabrice Descaves, directeur de l’école Fare Moana à Chêne-Bourg (GE), le spot de prédilection pour un baptême est la plage d’Hermance, idéale car partant en pente douce dans 2 à 3 m d’eau et bénéficiant d’aménagement pour les plongeurs (vestiaire, toilettes et infirmerie). Là, on peut tomber sur "l’épave de 12", un petit voilier de la police du lac à 12 m de fond.

Grandson (VD)

Au bord du lac de Neuchâtel - où la visibilité est injustement meilleure que dans le Léman - trône le club de plongée des Kabourias, l’un des rares à être doté d’un bateau pour rayonner facilement vers différents sites. Pour Pascal Dorsaz, vice-président du club qui fête cette année ses 23 ans, "guerriers comme débutants" sont les bienvenus. Pour un baptême, le spot devant l’école est idéal avec un fond rocheux et 4 à 5 m d’eau.

Par Emilie Boré     - 27 mai 2015